Vivre la vie en long, en large et en travers,
voler comme l'oiseau et observer la terre,
non comme le fait le coq perché sur son clocher
dont le regard figé est esclave du vent,
mais planer, tout là-haut, tel qu'on voit le ramier
seul maître de son vol, libre de ses mouvements.
Voir défiler les bois, les montagnes et les prés,
se soustraire aux contraintes des fausses nécessités,
monter ou bon vous plaît, si loin qu'on peut aller
ne restant attentif qu'à la seule beauté.
Pour oublier, parfois il est bon de rêver
et afin d'échapper à la réalité
d'imaginer ainsi ce qu'est la liberté.
Récusant un moment les problèmes des hommes,
poussières, insignifiantes d'univers infini,
ne sachant plus très bien ce qu'aujourd'hui nous sommes
sans repères à la veille de lendemains indécis,
heurtés par la violence, livrés aux faux prophètes
qui promettent le bonheur ou bien l'apocalypse
abusant les crédules que l'avenir inquiète
et qui, fortune faite, tout aussitôt s'éclipsent.
Passants de l'éphémère, puissants ou miséreux
nous quêtons l'essentiel, invisible à nos yeux.
Vivre la vie en long, en large et en travers,
à moins que d'être atteint de délire libertaire
c'est là sûrement demander trop sur cette terre.
De bien moins nous ferions volontiers notre affaire,
libres de nos pensées, libres de nos propos
le cœur prêt à l'écoute, l'esprit toujours ouvert
et, sans être frondeurs, voir les choses d'un peu haut
sans donner à chacune plus de place qu'elle ne vaut
mais des "à priori" refuser les œillères.
Libres, comme le fit Chamfort, de s'indigner sans haine
prenant du genre humain une juste mesure.
Sans se laisser aller à de folles chimères
s'efforcer de comprendre et se garder d'exclure,
agir en responsables raisonnables et sincères
dans toute société, c'est là, en vérité,
de toutes celles qu'on prône, la seule liberté.
Dr Jean CHARLES
Ancien professeur de faculté