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La Bataille de France

Le 6 juin à 17 h 30, le général de Gaulle parle aux Français :

"La bataille suprême est engagée !

Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif, le choc tant espéré. Bien entendu, c'est la bataille de France et c'est la bataille de la France !

D'immenses moyens d'attaque, c'est-à-dire, pour nous, de secours, ont commencé à déferler à partir des rivages de la vieille Angleterre. Devant ce dernier bastion de l'Europe à l'ouest fut arrêtée naguère la marée de l'oppression allemande. Voici qu'il est aujourd'hui la base de départ de l'offensive de la liberté. La France, submergée depuis quatre ans, mais non point réduite, ni vaincue, la France est debout pour y prendre part.

Pour les fils de France, où qu'ils soient, quels qu'ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre par tous les moyens dont ils disposent. Il s'agit de détruire l'ennemi, l'ennemi qui écrase et souille la patrie, l'ennemi détesté, l'ennemi déshonoré.

L'ennemi va tout faire pour échapper à son destin. Il va s'acharner à tenir notre sol aussi longtemps que possible. Mais il y a beau temps déjà qu'il n'est plus qu'un fauve qui recule. De Stalingrad à Tarnopol, des bords du Nil à Bizerte, de Tunis à Rome, il a pris maintenant l'habitude de la défaite.

Cette bataille, la France va la mener avec fureur. Elle va la mener en bon ordre. C'est ainsi que nous avons, depuis quinze cents ans, gagné chacune de nos victoires. C'est ainsi que nous gagnerons celle-là.

En bon ordre ! Pour nos armées de terre, de mer, de l'air, il n'y a point de problème. Jamais elles ne furent plus ardentes, plus habiles, plus disciplinées. L'Afrique, l'Italie, l'océan et le ciel ont vu leur force et leur gloire renaissantes. La terre natale les verra demain !

Pour la nation qui se bat, les pieds et les poings liés, contre l'oppresseur armé jusqu'aux dents, le bon ordre dans la bataille exige plusieurs conditions.

La première est que les consignes données par le gouvernement français et par les chefs français qu'il a qualifiés pour le faire soient exactement suivies.

La seconde est que l'action menée par nous sur les arrières de l'ennemi soit conjuguée aussi étroitement que possible avec celle que mènent de front les armées alliées et françaises. Or, tout le monde doit prévoir que l'action des armées sera dure et sera longue. C'est dire que l'action des forces de la Résistance doit durer pour aller s'amplifiant jusqu'au moment de la déroute allemande.

La troisième condition est que tous ceux qui sont capables d'agir, soit par les armes, soit par les destructions, soit par le renseignement, soit par le refus du travail utile à l'ennemi, ne se laissent pas faire prisonniers. Que tous ceux-là se dérobent d'avance à la clôture ou à la déportation ! Quelles que soient les difficultés, tout vaut mieux que d'être mis hors de combat sans combattre.

La bataille de France a commencé. Il n'y a plus, dans la nation, dans l'Empire, dans les armées, qu'une seule et même volonté, qu'une seule et même espérance. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes voici que reparaît le soleil de notre grandeur !"

Un premier bilan

Le 22 juin, l'amiral d'Argenlieu fait le point du débarquement.

"Le 6 juin, comme s'achevait une belle nuit lunaire, la grande offensive contre la forteresse européenne se déclenchait en baie de Seine.

Les informations données jusqu'à ce jour soit par la radio, soit par la presse sur la part des forces navales de Grande-Bretagne à cette opération dont dépend la libération de la France et de l'Europe sont insignifiantes. Pourtant, Dieu sait si les gens de chez nous de l'autre côté de la Manche s'y intéressent.

Voici donc quelques brèves notations :

Les premiers de tous à bondir sur la plage normande face à Ouistreham, en ce matin épique, furent nos fusiliers marins commandos.

Depuis dix-huit mois d'entraînement intense et dur, nos gars vivaient tendus dans l'espoir de cette heure. Presque lassés d'attendre, ils apprirent enfin officiellement que leurs deux troupes seraient de la "fête". C'est à l'amicale courtoisie, à la confiance aussi du haut commandement britannique dont elles relèvent qu'elles eurent l'avantage et l'honneur de se jeter à la mer, en tête de leurs camarades britanniques, à quelques brasses du rivage, vers les objectifs précis sous le feu violent de l'ennemi.

Ces objectifs, nos commandos les ont tous atteints à l'heure dite. Les pertes furent inévitablement lourdes mais, loin de les abattre, elles n'ont fait que hausser davantage un splendide moral. Au lendemain de l'action, leur colonel, un Anglais, blessé lui-même, a bien voulu m'écrire : "J'ai été très fier de mes camarades français".

Leur mission galvanisante ne saurait faire perdre de vue celle des unités navales françaises. Le même jour, à la même heure.

La "Combattante" dont l'inlassable activité dans la Manche fut récemment couronnée de succès - plusieurs U Boote allemands envoyés par le fond dans la même quinzaine - la "Combattante" par le tir bien conduit de son artillerie réduisait plusieurs batteries adverses au silence, en des points voisins de ceux assignés à l'action de nos commandos. La "Combattante" a certes bien mérité l'honneur d'être choisie pour mener en France le général de Gaulle lors de sa première visite à nos terres normandes libérées. Frégates aux noms gracieux et traditionnels : "Aventure", "Découverte", "Surprise", "Escarmouche", furent chargées comme les navires alliées similaires de protéger l'immense armada durant la traversée d'abord puis lors du débarquement des premiers échelons. Attaques de torpilleurs, de vedettes rapides, de sous-marins ou d'avions ennemis n'étaient-elles pas à prévoir ? À la même tâche étaient associées nos corvettes : "Roselys", "Aconit", "Renoncule", "D'Estienne d'Orves", maintes fois citées à l'ordre des Forces françaises libres au cours de la bataille de l'Atlantique L'une d'elles, l' "Aconit", fut honorée par le général de Gaulle de la croix de la Libération.

Dans le secteur américain, à l'aile droite, les croiseurs "Montcalm" et "Georges-Leygues" soutenaient largement l'effort des troupes d'assaut, détruisant d'abord batteries, pill-boxes et autres ouvrages de la muraille européenne. Leur feu se poursuivait rapide et dense contre les objectifs progressivement signalés par les observateurs qui, à terre, accompagnaient le corps expéditionnaire dans ses mouvements en avant.

Plus à l'ouest encore, aux approches du théâtre d'opération, les vedettes lance-torpilles, aussi fragiles que rapides et audacieuses, étaient à leurs postes afin de harceler et d'intercepter, comme elles le firent si efficacement chaque nuit en avril et en mai, les navires ennemis en convois ou patrouilles côtières.

Non sans sentir le sacrifice d'être moins proches de la côte normande dans le nord, nos braves petits chasseurs vaquaient à des tâches classiques, mais non moins nécessaires au plein succès de toutes choses.

Toutes ces unités, ou presque, ayant appartenu aux Forces navales françaises libres, ayant continué sans arrêt le bon combat sous la croix de Lorraine jointe à nos couleurs, voyaient enfin se lever l'aube de la victoire libératrice.

Pour tous nos vaisseaux de France associés à la bataille de Normandie, quelle revanche contre la croix gammée !"


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