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LES MOUVEMENTS DE RESISTANCE / Libération

Dans la Résistance française une contribution à propos du Mouvement Libération Nord

Au cours des années qui ont suivi l’armistice mettant fin à l’incroyable tuerie de la guerre 14-18, il fut rapidement évident qu’une doctrine totalitaire se mettait en place.

Dès cette époque, des hommes politiques, de simples citoyens, dénonçaient la gravité du danger, par des écrits et lors de réunions publiques souvent houleuses. Ils n’étaient guère entendus.

Bien sûr, le propos de cet article, consacré au mouvement Libération Nord, n’est pas d’en débattre. Cependant, il ne m’a pas paru inutile de préciser que les rencontres individuelles suscitées par ces premières menaces ont favorisé les prises de contact qui ont suivi, en réaction contre l’occupation militaire hitlérienne du pays et de ses ambitions exposées dans le livre Mein Kampf paru dès l’année 1933.

Le lâche abandon de la Tchécoslovaquie lors des accords de Munich, même s’ils avaient été un soulagement pour ceux qui auraient été appelés à combattre, n’était en réalité, dans le temps, qu’une humiliation inutile, presque un satisfecit pour la dictature ; on en prenait conscience.

La France connaît à présent l’occupation.

Déjà, il y avait des rencontres aux niveaux politiques, sociaux, familiaux, professionnels, dont une entre Robert Lacoste et Christian Pineau, qui conclurent à la nécessité de mettre au point un plan au cours d’une réunion qui regrouperait d’une douzaine de responsables syndicaux.

Lors de cette réunion il serait envisagé de :

Dans cet esprit, douze noms de syndicalistes sont retenus :

M. Bourdaloux ex secrétaire adjoint de la CFTC
O. Capucci secrétaire général des employés de la CGT
L. Chevaline secrétaire général de la Fédération des métaux de la CGT
A. Gazier secrétaire général de la Chambre syndicale des employés de la région parisienne CGT
E. Jaccoud secrétaire général de la Fédération des transports CGT
R. Lacoste secrétaire général adjoint de la Fédération des fonctionnaires CGT
Neumeyer secrétaire général adjoint de la Fédération des fonctionnaires CGT
Christian Pineau secrétaire général du Conseil économique de la CGT (Banque et Bourse)
Louis Saillant secrétaire général de la Fédération du bâtiment et du bois CGT
G. Tessier secrétaire général de la CFTC
Vandeputt secrétaire général de la Fédération du textile CFTC
Zirnheld président de la CFTC

Tous étaient qualifiés pour promouvoir des relations utiles.

Le général de Gaulle ne s’y trompa pas quand, ayant été informé, il souhaita s’entretenir, à Londres, avec Christian Pineau.

La première réunion a lieu dans l’appartement de Christian Pineau 52, rue de Verneuil, Paris 7e, au mois d’octobre 1940. Un texte est rédigé destiné à tous mais d’abord, pour assurer sa diffusion, au syndicalisme français.

Ce texte est étonnant d’audace. Le voici :
"Le syndicalisme français doit s’inspirer de six principes essentiels.

Dans son développement, on trouve la même âpreté, en voici un passage.
"Chaque personne humaine est également respectable. Elle a droit à son libre et complet épanouissement, dans toute la mesure où celui-ci ne s’oppose pas aux intérêts de la collectivité. Le syndicalisme français ne peut, en particulier admettre :

Il réprouve, en outre, tout régime qui fait de l’homme une machine inconsciente, incapable de pensée et d’action personnelle."

Les occupants ne réagissent pas. Peut-être n’eurent ils pas connaissance de cet écrit.

On était en 1940, rappelons-le, et ce jour d’octobre vit naître une des premières équipes de la Résistance française.

Le manifeste fut envoyé dans les syndicats et à des amis le 15 novembre 1940. Chaque mois, sera publié un autre texte.

Mais si la réunion de la rue de Verneuil a été importante, n’oublions pas que ce qui a été, parfois, appelé la pré-naissance de Libération Nord, date par exemple de la parution des fameux Conseils à l’occupé en juillet 1940 sous la plume alerte de Jean Texier.

Cependant, à cette époque, les activités de Libération Nord sont davantage socio-politiques que celles d’un organisme de combat. Il manque au mouvement le contact avec Londres. Donc pas de directives, pas de radio, pas d’armes, pas d’argent. Il faut chercher des contacts. C’est alors que Pierre Brossolette organise une rencontre entre Christian Pineau et Rémy, chef du réseau CND.

Le général de Gaulle souhaite s’entretenir à Londres avec Christian Pineau. Dans la nuit du 26 au 27 mars 1942, un Lysander, piloté par Guy Lockard, qui commandait le groupe 14 des avions spéciaux, se pose sur le terrain de Roi de Cœur aux environs de Thouars, dans les Deux-Sèvres. Rémy en descend et deux passagers y prennent place : Christian Pineau, alias Garnier, pour Libération Nord, et le colonel François Faure, un adjoint direct de Rémy pour CND Castille.

Même si bientôt des réseaux verront le jour sous l’impulsion de Libération Nord, dans la région centre ouest que j’ai vécue, les actions les plus importantes se dérouleront entre le réseau CND Castille, le mouvement Libération Nord, le parti socialiste clandestin, en relation éventuelle avec d’autres formations implantées dans la région, dont on possède la liste.

Avec mon mari, chassés de Noirmoutier par la gestapo et de Brinon réunis, nous arrivons à Niort, chez mes parents en 1942, avec notre fils, Yves, âgé de 3 ans.

Émile Bèche, député, est responsable pour CND Castille, Libération Nord, le parti socialiste clandestin de cinq départements : Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime, Vienne, Vendée.

Charles Marché, mon père, est son adjoint. Albert Aubry sera plus spécialement chargé du département de la Vendée et fera parvenir à Londres un plan des fortifications allemandes de la côte atlantique.

Au mois de février 1943, un terrain est choisi par les responsables, dans la plaine entre Prack et Tauché, pour y organiser des parachutages et sur lequel pourront éventuellement se poser des avions.

Je citerai le parachutage de 13 juillet 1943, réalisé au bénéfice de Libération Nord par CND Castille, la phrase l’annonçant à la radio de Londres étant "Aurélie sur la rivière ramera avec Sylvie".

Mais Émile Bèche, recherché par la gestapo doit fuir. Depuis plusieurs mois il dort chez Charles Marché. De la fenêtre de la chambre qu’il occupe, on peut voir les fenêtres de son domicile. Si son épouse y a placé un signal, c’est que tout va bien. Le matin du 13 décembre 1943, il faut assurer le départ clandestin de Bèche. La gestapo est venue, sa femme et sa fille sont arrêtées.

Selon ce qu’avait souhaité Émile Bèche, Charles Marché devient le responsable et restera en relation avec Bèche lui-même autant qu’il sera possible.

La réorganisation du parti socialiste clandestin va, aussi, être un appoint important pour le renseignement et l’action. Elle est faite à l’échelon départemental des Deux-Sèvres et à celui des quatre autres départements dont Émile Bèche et Charles Marché sont chargés de responsabilité.

Au printemps 1943, se tiendra le premier congrès clandestin, présidé par Tanguy-Prigent et Émile Bèche. Charles Marché sera secrétaire fédéral avec Sabourin comme adjoint. C’est aussi l’époque où Libération Nord et l’AS forment des triangles en vue des futurs combats.

Je pense intensément à tous ceux et celles dont on n’aura pas cité le nom, sans lesquels rien n’eut été possible. Peut-être, les survivants, ainsi que certains nous en ont donné l’exemple, pourront-ils pendant quelques années encore, faire un témoignage pour eux.

Les mouvements de Résistance Libération Nord, qui se sont manifestés dès les premiers jours de l’occupation hitlérienne, ont été dans la lutte d’une efficacité qui a largement contribué à la victoire.

À son arrivée à Brest, parmi les colonnes américaines qui enserrent le grand port breton, Jean Marin a déclaré, parlant des Forces françaises de l’intérieur : "Nous sommes confondus d’admiration par ce que nous avons vu du courage, de l’audace, de l’organisation militaire, de la solidarité, de l’énergie chez tous ces hommes, chez toutes ces femmes. C’est un Valmy 1944 et je comprends mieux, maintenant ce que me disait un officier des forces américaines en Bretagne : sans eux, notre avance rapide aurait été tout simplement impossible."

Libération Sud s’est organisé sur des bases semblables et avec la même efficacité.

Renée Aubry
CND Castille -Libération Nord - Parti socialiste clandestin


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