Charles TILLON
Chef national des FTPF
(3 juillet 1897 - 13 janvier 1993)
Né à Rennes le 3 juillet 1897, l’ouvrier ajusteur Tillon s’engage volontairement comme mécanicien dans la marine nationale de 20 juin 1916. Pendant trois ans, il est mêlé aux durs combats navals en Méditerranée. Au seuil du printemps 1919, à bord du Guichen, au large de la Grèce, ce lecteur de l’Humanité, fidèle au pacifisme de Jaurès, apprend qu’avec ses compagnons, il doit poursuivre les convois de troupes au profit des armées de l’ancien empire des tsars qui veulent faucher la jeune révolution née à Saint-Pétersbourg. Il ne considère pas que le rétablissement de la famille impériale russe serait un succès des armes de la France. Il estime que ses camarades ont droit à la paix quatre mois après la signature de l’armistice de 1918. Il citera plus tard Rosa Luxembourg : "La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement". C’est ce refus d’aider les Russes blancs qui vaudra à son auteur le titre de "mutin de la mer Noire" et cinq ans de travaux forcés. Il lui vaut aussi d’être l’un des rares bénéficiaires d’une décision de Lénine : à compter du 26 juin 1919, Charles Tillon est considéré comme membre de l’Internationale communiste ; André Marty et lui sont les premiers communistes français, dix-huit mois avant la création du parti communiste.
Tiré d’un bagne du Maroc, Charles Tillon est le délégué pour la Bretagne de la CGT-U ; il organise la grande grève des marins pêcheurs du Finistère en 1924 et la grève des sardinières de Douarnenez, puis des marches de la faim des sans-emploi au début des années trente. Coorganisateur des dockers CGT à Marseille comme de l’aide à l’Espagne républicaine, député d’Aubervilliers dès 1936, il est maire de cette commune de 1944 à 1952. Auparavant, le 17 juin 1940, Charles Tillon rédige un manifeste qui proclame notamment : "Le peuple français ne veut pas de l’esclavage, de la misère, du fascisme. Pas plus qu’il n’a voulu la guerre des capitalistes. Il est le nombre : unis, il sera la force". Avec quelques camarades, il rassemble des communistes clandestins du Sud-Ouest en groupes de trois "pour entretenir la politique clandestine du parti au ras des nécessités ambiantes". Il juge que "durer, c’est vivre pour demain". L’avenir pour lui, ce seront les groupes de l’OS, l’Organisation spéciale, avant-garde combattante des futurs francs-tireurs et partisans.
Charles Tillon définit d’abord une tactique, celle de la boule de mercure : les petits groupes apprennent "à se rendre chaque fois, insaisissables, comme une boule de mercure qui éclate entre les doigts qui veulent s’en saisir et retrouve son poids spécifique". De Palaiseau puis de Limours, le clandestin Tillon, camouflé en M. Allais, peintre amateur, organise et structure ce qui va devenir les FTPF, les francs-tireurs et partisans français. Le 9 septembre 1944, le général de Gaulle décide de le nommer ministre de l’Air, voulant "faire appel au concours de celui qui s’est tout récemment distingué dans l’action héroïque grâce à laquelle Paris a été libéré".
De 1944 à 1947, Charles Tillon fut ministre de l’Air, de l’Armement puis de la Reconstruction. Écarté de la direction du PC en 1952, il fut exclu de son parti en 1970 pour avoir protesté contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Armée rouge soviétique. Créateur dans la clandestinité du journal France d’abord, Medal of Freedom des États-Unis d’Amérique, rosette de la Résistance, Charles Tillon a écrit quatre livres. Il fut élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur quelques jours avant sa mort, survenue à Marseille, le 13 janvier 1993. L’hommage de la nation lui fut apporté par le Premier ministre, ancien FTP, lui aussi ancien ajusteur, après que le Président de la République ait salué, en Conseil des ministres cet "homme libre, grand et beau caractère".
Extrait de l’ouvrage J’écris ton nom : Liberté, de Raymonde Tillon
avec l’autorisation des éditions du Félin.